Après le Festival de Cannes, La Guerre est déclarée continue d’émouvoir des milliers de spectateurs partout en France, mais au-delà du récit de ce couple confronté à la maladie de son enfant, le film pose formellement quelque chose de nouveau. Rencontre avec la réalisatrice et actrice principale Valérie Donzelli. |
Pour La Guerre est déclarée, vous optez pour un traitement éclaté. Au-delà de la gravité du sujet, il y a une volonté de vous faire plaisir, et naturellement de faire plaisir visuellement…
Oui, ce plaisir vient d’abord de mon plaisir de spectatrice, et des émotions que j’éprouve en voyant des films. Du coup, j’aime retranscrire au plus juste – au mieux – cette émotion.
Vous optez pour une voix off très distanciée, à la manière de François Truffaut. Peut-on y voir des clins d’œil stylistiques ? Non, pas forcément. Le narrateur est très pratique dans les films. Dans La Reine des Pommes [son premier long métrage, ndlr], j’avais déjà utilisé le principe du narrateur. Dans La Guerre est déclarée,le narrateur permet d’objectiver un récit auquel il apporte une dimension qui s’approche du conte onirique. Par ailleurs, il nous rend service d’un point de vue narratif : il peut accélérer le temps, le ralentir à nouveau, etc. Avec le narrateur, les problèmes de montage sont beaucoup plus faciles à régler. |
Là, en l’occurrence, nous avons plusieurs narrateurs : un narrateur et une narratrice…
Au départ, il ne devait y en avoir qu’un, mais le début du film était un peu compliqué à mettre en place : après la rencontre du couple, les premiers instants avec le bébé étaient détaillés, et du coup les personnages se trouvaient plus exposés. On avait le sentiment d’un deuxième démarrage pour le film. Le travail de montage a consisté à recentrer toute la première partie du film. Il nous a manqué une voix de narrateur pour cette première partie, qui a été écrite en salle de montage. C’est ma monteuse, Pauline Gaillard, qui a enregistré cette voix et je trouvais cela très joli. Du coup, nous avons deux voix, un homme et une femme, qui se relaient pour raconter cette histoire.
Dans le film, vous vous confrontez au réel de manière directe et vous recréez certaines des situations là où elles ont été vécues, notamment à l’hôpital.
Le film est inspiré de l’histoire que nous avons vécue, et du coup l’idée de repartir dans les lieux où notre enfant avait été soigné, c’était aussi par souci de réalisme. Nous ne souhaitions pas fabriquer de décors, mais nous voulions filmer dans des décors réels. C’était déjà le cas pour La Reine des Pommes et mes courts métrages, parfois pour des raisons financières : ça coûte tout simplement moins cher. Mais là, il s’agissait pour nous de coller à la réalité de l’hôpital telle que nous l’avions connue.
Chez vous, cette manière de capter le réel passe par une approche sensorielle. Les traitements sont éclatés, la musique est omniprésente, comment avez-vous évité le danger de la dispersion ?
Quand on fait un film, il y a toujours un danger. Là, les personnages portent des prénoms de héros dramatiques – Roméo et Juliette –, le film est haut en couleurs – des couleurs très pop –, la musique est là, il y a une chanson, des accélérations, de la vitesse. Dans le film, on trouve beaucoup de choses et tout cela participait à la fois de la distance nécessaire par rapport au sujet, et en même temps de l’émotion que pouvait procurer le film. La cohérence naît de cette émotion.
La Guerre est déclarée est surtout une très belle histoire d’amour. À la fin du film, on constate un recentrage sur le couple lui-même.
Avec Jérémie [Elkaïm], quand on écrivait, on cherchait à faire un film très différent et on estimait que l’histoire que nous avions vécue avec notre enfant constituait la matière cinématographique qui nous permettait de raconter une histoire d’amour. L’histoire de ce couple est devenue la ligne directrice de toute notre écriture. Pour nous, il s’agissait d’entr’ouvrir une porte, d’y découvrir ce couple et de suivre son histoire. Ce qui nous plaisait c’était de construire le récit intime de ce couple, traversé par cette aventure-là.
Un mot sur le travail d’écriture à deux ?
Oh c’est simple, on écrit chacun de notre côté, on se relit l’un l’autre et on affine ensemble. Le résultat, c’est comme un enfant.
Comme un autre enfant ?
Oui, voilà ! Ce film c’est vraiment comme si nous avions fait un autre enfant. Il est un mélange de nous deux, et en même temps il a son identité propre.
Propos recueillis par Emmanuel Abela à l’occasion de l’avant-première de La Guerre est déclarée le 28 août au Cinéma Star Saint-Exupéry, à Strasbourg