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Anne Wiazemsky avait pourtant été prévenue : « Robert Bresson travaille sur l’acteur comme un sculpteur sur sa pâte ». Devait-elle se méfier pour autant ? À la lecture des situations qu’elle décrit avec une grande sobriété dans Jeune Fille à propos du tournage d’Au Hasard Balthazar. on serait presque tenté de le croire. La relation qu’établit ce monsieur de 64 ans devient rapidement très ambiguë. |

Mais la jeune fille. elle aussi. est ambiguë ! » La distance qu’Anne prend pour parler d’elle-même nous rappelle qu’elle a failli opter pour un récit à la troisième personne. alors que l’utilisation du “je” l’implique davantage et participe de l’émotion qui se dégage. « Oui. mais jetrouvais que ça m’engageait trop de dire “je”. Quand j’en ai parlé àLudovic. le lecteur qui travaillait avec moi. il m’a répondu : “Non.non. non. pas du tout ! C’est une guêpe ! Chassez-là cette pensée !” ».
L’anecdote renvoie à la vraie question qui entoure le livre. récitautobiographique ou roman ? « Le paradoxe existe. mais quarante après. la mémoire a conservé certains souvenirs et d’autres pas. J’avais envie d’écrire sur Robert Bresson et je pensais “récit”. mais ça me demandait de dire beaucoup trop de choses. dont certaines indiscrètes. Je me suis dit que si c’étaient des personnages de roman. je me sentirais libre de les utiliser d’une certaine façon qui me permettrait de raconter une histoire. À partir du moment où l’on ne colle plus à la réalité. on entre dans le romanesque. Si j’avais appelé cela “récit”. ç’aurait été malhonnête. » L’expérience qu’elle vit est plus que le simple tournage d’un film. et même d’un premier film. il correspond à une véritable entrée dans la vie. Anne Wiazemsky ne devient pas seulement une actrice. celle qui tournera avec Jean-Luc Godard ou Pier Paolo Pasolini. mais elle devient avant tout femme. « Oui. c’est l’histoire d’une “mue” » . nous confirme-t-elle. Peut-on voir quelque similitude entre la jeune fille de son livre et Marie. le personnage qu’elle interprète dans le film ? « La jeune fille du livre. le metteur en scène la fait accoucher d’elle-même alors que Marie. je ne sais pascomment elle termine. mais fort mal. Je n’ai jamais osé envisager ce qu’elle devient par la suite. Elle disparaît. c’est ce qu’on dit… »
Dernier ouvrage : Jeune Fille. Gallimard
Propos recueillis par Emmanuel Abela / Photo : Pascal Bastien