On sait l’attachement de Patti Smith à la figure d’Arthur Rimbaud ; la chanteuse a même déclaré récemment que dans sa vie, elle avait vécu des relations amoureuses avec plusieurs hommes, dont une très sérieuse avec Rimbaud. De son propre aveu, elle a lu tout ce qu’il était possible de lire en langue anglaise sur le célèbre poète français qui a été tout au long de sa carrière une source d’inspiration constante, un peu plus encore que ne l’ont été d’autres figures qui ont alimenté son parcours poétique rock, Keith Richards, Brian Jones ou Bob Dylan. Dès 1973, elle a entamé un premier voyage-pélerinage à Charleville, la ville où il est enterré. Dans Charleville, le premier volume de ce recueil en trois parties, elle relate ce périple solitaire au cours duquel elle ne consigne que quelques notes éparses dans son cahier, le récit notamment d’une rencontre surprenante avec un joli jeune homme, aussi vite apparu, aussi vite disparu, un peu comme tous les anges qui l’accompagnent tout au long de ce parcours initiatique. Un dessin subsiste, cependant ; à sa demande, il a rejoint la collection permanente du Musée Rimbaud. Dans ce volume édité à l’occasion de l’exposition que lui consacre la Fondation Cartier à Paris, sont également réunis des photos, des lettres et des dessins qui manifestent avec émotion l’attachement profond de l’artiste américaine à son idole et amour de toujours.
Statues, le second volume regroupe des photos de statues prises à Londres, Florence, Rome, Berlin, Paris, Stockholm, New York, Buenos Aires et Tokyo au cours de ses nombreux voyages. À la manière du graphiste anglais Peter Saville, ces prises de vue révèlent des filiations classiques chez celle qu’on situe à tort comme une poétesse du nihilisme — elle ne déteste rien de plus que d’être qualifiée de poétesse punk ! —, alors que son œuvre n’a cessé de l’inscrire dans le cours de l’histoire. Ces images d’une grande pureté nous mettent en relation directe avec la puissance du volume ; elles nous mettent en présence du travail de Michelange, Auguste Rodin, August Strindberg, mais aussi de bon nombre d’œuvres anonymes entr’aperçues dans un cimetière, dans un hôtel ou sur dans une rue ; certaines d’entre elles figurent des personnalités illustres, James Joyce, Virginia Woolf, Fernando Pessoa, Luis Borges, Guiseppe Verdi ; d’autres le Christ, des anges ou des figures allégoriques dont la symbolique se perd au fil du temps. Là aussi, l’émotion est au rendez-vous.
Quelques notes manuscrites introduisent le Cahier, troisième et dernier volume de cet étrange triptyque. À la cinquième page, Patti nous passe le relais : Ces pages sont à vous. Elle nous invite à faire comme elle, voyager, écrire, photographier, basculer dans l’instant créatif... L’invitation est chaleureuse, on ne saurait lui opposer le moindre refus. (E.A.)
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