Trois ans après L’Etreinte, Christophe Miossec est de retour avec Finistériens, un album coécrit avec Yann Tiersen. Interview décontractée avant son passage au Noumatrouff le 19 novembre et à la Laiterie le 21 novembre. |
Ou pas !
L’idée est plutôt de donner envie, mais ça dépend plus des réponses que des questions finalement… Comment s’est passé l’enregistrement du disque avec Yann Tiersen ?
On avait fait une tournée ensemble et quand Yann m’a proposé de faire un disque, au départ je pensais qu’on serait toute une bande. Mais en fait, on a fait l’essentiel du disque à deux. Yann est tellement multi-instrumentiste qu’il a préféré tout faire lui-même ! [rires].
C’était son idée de faire ce disque ?
Non, on avait travaillé tous les deux ensemble et on en avait déjà parlé un petit peu. J’ai composé de mon côté et lui du sien avant de se retrouver en duo. Yann a même fait les batteries, des trucs comme ça… Je ne savais pas qu’il était batteur [rires]. C’était plutôt marrant comme façon de faire.
Au final, ça reste d’abord un disque de Miossec…
C’est la contamination qui fait ça. Les voix vampirisent souvent les morceaux.
Tu es un chanteur qui pose beaucoup de questions. Dans tes chansons, il y a presque toujours une ou plusieurs questions…
C’est mon côté japonais peut-être [rires]. Une sorte de taoïsme… En tous cas, c’est intéressant. Les chanteurs qui ont des réponses à tout, je trouve ça dangereux. On n’est pas là pour prôner quoi que ce soit. C’est plus intéressant de ne pas imposer des réponses dans les chansons. Le côté “Monsieur je sais tout”, c’est agaçant.
Avec la chanson Les chiens de paille, comme avec La facture d’électricité sur ton disque précédent, on te sent plus engagé…
Engagé je ne sais pas… Concerné plutôt. Même dans les chansons d’amour, on peut toujours avoir un arrière-fond politique. Tout est tellement politique… L’amour pour l’amour n’est pas quelque chose qui m’intéresse. Ce qui m’intéresse, c’est d’essayer de trouver un contexte ou un cadre.
Pour ta tournée, tu seras accompagné par trois musiciens qui ont joué avec Bashung (Arnaud Dieterlen à la batterie, Nicolas Stevens aux claviers / violons et Bobby Jocky à la basse). Est-ce que c’est important pour toi ?
Oui, monstrueusement important. Sa disparition a flingué tout le monde. Ça a été très brutal. Depuis que je suis gamin, j’attends les albums de Bashung avec impatience. C’est un manque absolu. Mais Bashung m’avait aussi pris des musiciens à une époque (le guitariste Yann Péchin)… Là, pour le bassiste, c’était plutôt au batteur de décider. Jean-François, le copain belge, ne pouvait pas parce que sa copine venait de sortir un disque, donc j’ai demandé à Arnaud de choisir.
Il a du pouvoir Arnaud…
Batteur, ce n’est pas que des conneries ! Ce n’est pas comme dans Almost Famous, ce film fabuleux avec un journaliste de Rolling Stone qui suit un groupe dont le batteur n’arrête pas de taper partout avec ses baguettes sans dire un mot ! L’avion va se scratcher et le seul truc qu’il trouve à hurler, c’est « I’m gay ! ». C’est le grand moment de vérité parce que l’avion va s’écraser et là hop il y a l’avion qui remonte. C’est la seule phrase qu’il dit de tout le film…
© Youri Lenquette / PIAS |
Tu es impatient de repartir en tournée ? Oui, ça me plaît d’avoir une vie de tournée, vu que j’ai une vie radicalement différente le reste du temps. C’est marrant d’avoir une vie de tournée où l’on est tout le temps les uns sur les autres, alors que dans la vie ordinaire c’est hyper tranquille. C’est plutôt luxueux d’avoir ces deux vies là. Au bout de combien de temps, en as-tu marre des tournées ? Avec l’âge, ça va mieux, j’ai appris à me gérer physiquement. A une époque je ne me gérais pas du tout et ça pouvait être crevant. Maintenant tu te gères ? Avec l’âge, c’est obligatoire. |
Il y a une époque où on lisait souvent des comptes-rendus de concert un petit peu foirés. C’est fini ce temps là, où ça peut encore arriver ?
Non, c’est surtout que ce n’est plus drôle… A une époque, j’avais une sorte de ras le bol de la musique et de tout ce qu’il y avait autour. Et il y avait un plaisir à foutre le bordel !
Quand tu lisais des comptes-rendus, tu trouvais ça drôle quand même ?
Par moments c’était jubilatoire.
Bashung a été obligé de tout casser quand il a eu son succès avec Gaby, parce qu’il se retrouvait avec un public qui ne correspondait pas à ce qu’il recherchait. Toi, le public qui te suit, c’est celui que tu avais envie de voir à tes concerts ?
Je n’ai jamais eu ce côté chanteur populaire. Ça ne s’est jamais trop élargit. La carrière n’a jamais décollé ou explosé ou quoi que ce soit…
Tu es un peu modeste…
Je n’ai jamais fait un Zénith et ce n’est pas demain la veille…
Tes ventes de disques ne sont pas mauvaises…
Oui. A chaque fois tout va bien. A chaque fois c’est disque d’or. Maintenant, les disques d’or sont à 50 000…
C’est l’idéal pour pouvoir continuer sans que ce soit trop…
Oui, il n’y a pas tous les emmerdes qu’il y a quand ça devient trop balèze.
Aurais-tu souhaité devenir comme Johnny ?
Non, c’est impossible ! Je ne sais pas si c’est les chromosomes ou quoi… Quand tu vas dans les grands festivals, tu te rends compte que pour devenir une grosse bécane, il faut jouer un certain jeu et tout ça…
Aimes-tu rencontrer les gens après les concerts ?
Oh non, je préfère que l’on reste en bande. Après les concerts, je n’ai pas grand-chose à raconter.
As-tu une idée de la sociologie de ton public ? Sais-tu s’il y a plus de filles que de garçons à tes concerts ?
Mon public s’est super “bâtardisé”. Au départ, c’était très Inrockuptibles et là, c’est un peu la pagaille. Quand tu regardes la gueule des gens, c’est vraiment le bordel ! Tu ne peux pas faire une typologie exacte de qui est là… Des fois tu te demandes pourquoi ce mec-là est là. Tu vois des gueules et tu te demande comment ça ce fait que ce mec ou cette nana soient là. Le fait d’avoir 45 balais, ça joue aussi. Il y a beaucoup de gens qui ont lâché, d’autres qui sont arrivés et d’autres encore qui n’étaient déjà pas super jeunes à l’époque du premier disque…
Boire reste la référence pour beaucoup de monde…
C’est un disque qui était un peu bizarre à l’époque, qui avait son truc. Après, tu ne peux que décevoir certaines personnes. Tu n’as plus l’effet de surprise dont peut bénéficier un premier disque. Le premier disque, c’est toujours un pied.
As-tu piqué des trucs à des écrivains sur ton nouvel album ?
Oui, j’ai piqué “Seul ce que j’ai perdu m’appartiens à jamais” à une poétesse israélienne du XIXème siècle et “Que la mer empêche le poisson de voir le ciel” à Georges Perros…
Tu lui en as déjà piqué !
Oh oui !
As-tu abandonné tes projets de bouquins pour te recentrer sur la musique ?
C’est surtout que le format chanson est quand même pratique. Le problème de l’écrivain, c’est le rythme de vie à tenir. La discipline de travail… C’est très solitaire, alors que les chansons, tu les écris et après tu peux aller en concert avec, tu peux les trimballer sous le bras.
As-tu écrit des chansons pour d’autres récemment ?
Oui, à nouveau pour Juliette Greco et pour un gars qui s’appelle Fred. J’aime vraiment bien ce qu’il fait.
Et Polar ?
Un peu perdu de vue, en fait.
Le titre de l’album, Finistériens, s’est-il imposé tout seul ?
C’était une évidence. Yann est né à Brest, donc c’est pratique pour répondre aux interviews !
Ils sont contents dans le coin ?
L’office de tourisme est ravi. T’auras les bols bretons avec ton prénom dessus et à côté les disques…
Tu n’aurais pas pu faire “Haut-Rhinois”, ça n’aurait pas marché pareil…
On a du bol pour ça !
Tu te souviens des salles de concerts dans lesquelles tu es passé ?
Il y a des personnages. Un mec comme Hervé du Bikini à Toulouse, c’est un mec tellement marquant. Il fait la bouffe, la billetterie et le service d’ordre (rires).
Travailler plus pour gagner plus !
Il est complètement dingo !
Te souviens-tu de tes passages au Noumatrouff ?
Je me souviens de la première tournée et d’un concert vraiment chaotique. Mais nous, on avait bien rigolé. Je me rappelle que je m’étais viandé, je m’étais ramassé la gueule comme un idiot sur scène en glissant sur une flaque de bière [rires].
Et le concert après une élection où le FN avait fait un carton en Alsace ?
Oui, j’avais fait de la provoc à deux balles… Au bout d’un moment ça me fait moins rire.
Les gens s’en souviennent…
On se souvient toujours plutôt des à-côtés ! Les jeux de lumière, ça passe après…
On ne va pas voir Miossec pour les jeux de lumière, non plus…
Remarque, il y a Arnaud qui fait des supers t-shirts. On a fait un concert où tout le monde était habillé par Arnaud. Le t-shirt “On va tous crever” est super !
As-tu suivi le dernier Tour de France ?
Non, je l’ai suivi plutôt pour la poésie de Jean-Louis Le Touzet dans Libé.
La liste des morceaux que vous allez jouer est-elle déjà définie ?
On va voir ça en répète. Ce n’est pas moi qui peux décider. Si un musicien n’aime pas un morceau, on ne peut pas le forcer… Imposer un morceau à quelqu’un qui ne l’aime pas, ce n’est cool pour personne. Il y a des morceaux qui sonnent bien sur disque et qui bizarrement s’écroulent complètement quand tu les joues en live. Et d’autres, au contraire, qui ont moins de gueule sur disque et qui prennent du relief en live. Il faut les faire défiler et voir ce qui tient.
Avant une tournée, est-ce que tu réécoutes tes disques ?
Oh non, si je les réécoute c’est le calvaire. Je n’entends que les défauts. C’est pour ça que les concerts me réconcilient avec mon boulot.
Y a-t-il des morceaux que tu renies complètement ?
Sur le troisième disque, il y a des morceaux pour lesquels je ne m’étais pas trop foulé les poignets… Si, il a Les Bières que j’aime bien. Le truc, c’est de continuer une fois que le disque est fini. Là maintenant c’est la tournée et, surtout, il faut commencer à gamberger sur le prochain.
Et faire des reprises, ça t’intéresse ?
Oui, mais pas pour dire “regardez comme j’ai bon goût : je vous ai dégoté un Ronnie Bird de 67…”.
Salut les amoureux, ta reprise de Joe Dassin est très réussie…
Il est drôle ce morceau. A la base c’est une adaptation d’un morceau écrit par des Ricains. C’est plutôt rigolo. Pour l’instant, je ne vois pas quoi adapter à part une version dark-métal de Big Bisou ! Avec les copains belges on reprenait en plein concert Chef une petite bière on a soif sur la dernière tournée ! Par moments ça fait vraiment du bien de faire une vraie grosse connerie.
En écrivant Les joggers du dimanche, as-tu pensé à Sarkozy ?
C’est vrai que quand il a eu son pépin, je me suis dit que ça collait. Dommage que ça ait été écrit avant. Autrement, ça aurait été “le jogger du dimanche”.
Propos recueillis par Philippe Schweyer / Photo : Richard Dumas
En concert au Noumatrouff, à Mulhouse, le 19 novembre et à La Laiterie, à Strasbourg, le 21.
Dernier album : Finistériens, PIAS
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