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Gotye, un Australien né à Bruges, vient de publier un second album qui fait sensation sur le flux. À partir de fragments épars, il crée une pop ouverte et lumineuse, à l’image de celle de ses idoles, Paul McCartney ou Steward Copeland. Il nous renseigne sur sa méthode et ses sources. |
Vous écrivez des chansons, mais vous utilisez également des sons samplés que vous incluez dans vos compositions. Comment choisissez-vous ces sons ?
Je récupère des vieux vinyles, des K7, des vidéos et aussi des CDs et fichiers mp3, pour former une collection éclectique. J'en sample des extraits et je me lance dans l'expérimentation : je mélange les sons, je teste différentes associations jusqu'à ce qu'un titre ou une idée d’arrangement émerge. Je commence généralement par un extrait-clé que je trouve cool ou particulièrement évocateur, et je rassemble d'autres sons autour de ce sample. C'est seulement après que viennent la mélodie et les paroles.
Je choisis les sons uniquement pour leur énergie, leur « vibe », la touche qu'ils vont apporter au paysage musical que je compose pour chacun de mes titres. Si je choisis de sampler un artiste, ça se situe en dehors de toute considération artistique, culturelle ou politique. Je me contente d'emprunter des phrases musicales jugées mineures, qui passent la plupart du temps inaperçues et en leur ajoutant des effets, je cherche à me les approprier complètement.
Est-il vrai que vous avez récupéré toute la collection de vinyles, K7 et mp3 d'un voisin malheureux ? Qu'en avez-vous extrait ?
Pas malheureux, mort en fait ! Ma voisine est décédée en 2001, et son époux a pensé que je pourrais apprécier sa collection. Parmi les 200 disques qui m'ont été ainsi légués, j'ai trouvé pratiquement toute l'intégrale d'Elvis en vinyles, de nombreuses compilations de succès pop des années 80, et, cerise sur le gâteau, l'album Chartbusters de Ray Parker Jr. Tout ce que je compose est fortement influencé par Ray.
Le titre de votre album est Like Drawing Blood. Une image violente, qui m 'évoque quelque chose de très intime. Etes-vous inspiré par les arts visuels, la peinture, lorsque vous composez ?
Lorsque je réfléchis à mes arrangements ou aux éléments d'un mix, ma démarche peut être assez visuelle. Mais soyons clairs, je ne dis jamais à un musicien « je verrais plutôt ça bleu marine au dessus, avec un pourtour rouge », bien qu'il m'arrive d'associer mentalement certains arrangements à des formes et des couleurs. Peut-être que cette démarche a une influence dans les choix de sons à samples.
Par ailleurs, votre approche est pleine d'humour. Sur votre blog, j'ai pu écouter une version de We are the world, mais jouée à la mauvaise vitesse. Vous semblez tirer un grand plaisir de ces associations et mélanges de genres et de sons.
Absolument. Jouer avec les sons me procure un plaisir immense. Mais j'adore également la musique pop, alors je crois que ma recette avec Gotye consiste à tester différents mélanges de genres et de références en les samplant, avant de les passer à mon filtre pop.
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Sur certaines photos, vous arborez un t-shirt à l'effigie de Paul McCartney (de son album solo, McCartney II).
Pour cet album solo, il a enregistré tous les instruments lui-même. Cet
album a-t-il été pour vous une source d'inspiration ? Un manifeste
artistique que vous avez repris à votre compte ? C'est Tim Shiel, un ami à moi, qui a réalisé ce t-shirt. Il joue de la musique sous le pseudo de Faux Pas (www.iamfauxpas.com). Il est un fan ultime de l'album McCartney II et si vous visitez son site, vous pourrez lire son manifeste au sujet de ce t-shirt, qui est en fait un faux t-shirt McCartney, pour lequel Tim place sa propre tête sur le visuel de l'album au lieu de celle de McCartney. Quant à moi, je suis également un grand fan, alors je porte fièrement ce t-shirt, en hommage à la fois à Macca et à mon pote Tim. |
J'ai lu que vous êtes également un grand fan de Stewart Copeland, le batteur de The Police. Vous devez apprécier cette liberté musicale qui lui permet de mixer rythmiques rock et dub ?
Le jeu de Stewart Copeland possède un feeling inimitable, incroyablement créatif. Son approche des syncopes dans les rythmes rock et reggae et son talent ont fait de The Police l'un des groupes pop les plus géniaux des 40 dernières années. Bien sûr, je ressens une grande influence dans mon jeu et même dans ce que j'apprécie au moment de la composition et de la programmation. Chaque fois que je l'entends, je réalise le chemin qu'il me reste à parcourir avant d'atteindre ce feeling et ce sens du tempo, et de l'art de syncoper un rythme traditionnel au moment où l’on ne s'y attend pas ; son énergie est tellement contagieuse. Son groove est toujours sur le fil... Je ne pense même pas toucher du doigt cette sorte d'énergie avec Gotye. En tout cas pas si je conserve un tempo pré-déterminé, comme c'est souvent le cas lorsqu'on utilise un logiciel de montage comme Pro Tools ou Ableton Live pour mixer ses samples.
Quelle serait la collaboration rêvée pour vous ?
Pourquoi pas Stewart Copeland justement ? Un double album de batterie dans la veine Let There Be Drums de Sandy Nelson ou des battles de Gene Krupa et Buddy Rich. Bon, je mouillerais pas mal ma chemise dans une bataille avec Stewart Copeland et la victoire serait facile pour lui ! Si toutefois ce n'était pas possible, j'aimerais beaucoup collaborer avec l'ami dont je parlais précédemment, Tim Shiel.
Vous êtes né en Belgique, j'imagine que vous allez effectuer des tournées en Europe. Que ressentez-vous à l'idée de retrouver vos racines européennes ?
J'adore l’idée de tourner en Europe ! J'apprends doucement à connaître des coins de belgique que je ne connaissais qu'à travers les récits de mes parents, ou que j'ai seulement visités lors de séjours familiaux pendant mon enfance. C'est l'occasion pour moi de rattraper mon retard en Robbedoes en Kwabbernoot (Spirou et Fantasio) !
Propos recueillis par Emmanuel Abela / Traduction : Miss Alpha
Dernier album : Like Drawing Blood, Lucky / Differ-Ant
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"Lorsque je réfléchis à mes arrangements ou aux éléments d'un mix, ma démarche peut être assez visuelle. Peut-être que cette démarche a une influence dans les choix de sons à samples." |