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À les voir gesticuler en shorts sur scène, on avait tendance à ne plus les prendre très au sérieux, et pourtant les !!! (“chk chk chk” pour les moins intimes !) s’impose aujourd’hui comme l’une des formations les plus surprenantes du moment. Entre kung-fu. funk déjanté et electro syncopé. ils se rapprochent un peu plus du Sacré Graal rythmique. Rencontre avec Nic Offer, artiste à l’énergie incroyable qu’on découvre posé et réfléchi en interview. |
Votre groupe est né à Sacramento, puis vous vous êtes installés à New York, pourquoi ce choix ?
New York est en fait notre ville préférée. Peut-être que notre son est new-yorkais, mais New York est la ville de tous les courants musicaux… Nous aurions tout aussi bien pu nous choisir San Francisco ou Chicago, mais nous y aurions eu moins d'opportunités et d'influences. Pour moi le son de Chicago est associé à Tortoise, et celui de San Francisco aux Grateful Dead. Cependant rien n'est comparable à New York, c'est vraiment la ville de toutes les influences et de tous les sons. Quand nous avons décidé de nous y installer, on nous disait : « Si vous allez là-bas. vous y serez les rois », mais c'était faux. il y avait une vraie scène musicale et plein de groupes, c'est stimulant d'être entouré de gens qui font de la musique intéressante.
Je vais vous citer quelques noms, libre à vous de réagir ou non. Pour commencer, qui choisiriez-vous entre David Byrne et Brian Eno ?
Ce sont tous les deux des dieux pour moi, car ils continuent tous les deux de produire une œuvre d'actualité. Je les vénère tellement que récemment j'ai acheté trois livres, juste parce qu'au dos il y avait une citation de Brian Eno ou David Byrne qui disait « ce livre est génial », et je me suis dit : « je veux lire ces livres ».
Deuxième nom, les Antibalas. qui sont aussi un collectif, avec un vrai engagement politique. Manifestez-vous un tel engagement ?
Notre engagement n'est pas aussi vif que celui des Antibalas, nous avons une position politique comme tout le monde, mais ça s'arrête là. Nous sommes des musiciens avec une opinion, mais pas plus que n'importe qui.
James Brown ou James Chance ?
Tout ce qu'il y a à dire sur le sujet c'est que quand James Brown est mort et que le public a pu rendre hommage à sa dépouille, il y avait une file de fans de plusieurs kilomètres. Quand James Chance passera l'arme à gauche, je ne crois pas qu'on fera la queue. [rires]
Son funk blanc ne vous a-t-il pas inspiré ?
Je vais être honnêt,. nous l'avons vu en concert juste avant de nous lancer et en sortant du concert nous nous sommes dit : « Nous pourrons faire mieux ». Il est âgé maintenant. Par contre, quand j'ai vu James Brown sur scène, l'idée de rivaliser avec lui ne m'a même pas effleuré ! [rires]
Les Stooges ?
Iggy est une source d'inspiration pour moi, je viens de finir un livre sur lui : Open up and bleed, ça n’est pas de la littérature mais c'est un très bon livre de rock. On y fait bien la part entre mythe et réalité, parce qu'il circule une quantité d'histoires dingues à son sujet. L'énergie d'Iggy m'a toujours inspiré. J'essaie d’insuffler la même dans mon groupe. À un certain moment, nous avons répété avec un batteur et nous avons appris l'album Fun House par cœur, nous en jouions tous les morceaux et rien que de les interpréter ça nous semblait génial. Iggy Pop a une liberté qu'aucun chanteur de blues blanc ne possède.
Pour finir cette liste, les new-yorkais Sonic Youth…
C’est tout simplement mon groupe préféré, toutes périodes confondues !
Blondie l'avait déjà fait dans Rapture par exemple, mais aujourd'hui on semble redécouvrir que dans les années 80 on mixait hip-hop, pop et disco et l'on n'est plus surpris par ce mélange de styles. Mais vous, qu'en pensez-vous ?
Je ne sais pas si ces mélanges de styles sont nécessaires, mais c'est ce qui nous a donné envie de faire de la musique. C'est ce qu'on entendait à la radio quand nous nous sommes installés à New York, et c'était ce qui nous inspirait. Je me souviens même précisément de la première nuit que j’ai passé à New York. Je suis parti m'acheter un truc à emporter au Deli, j'étais dans la voiture avec le gars chez qui j'habitais et on écoutait des gens comme Missy Elliot et je me disais « Ça y est je suis à New York ! » On mettait les basses à fond, tout ça venait de sortir, c'était tout frais, on adorait et évidemment ça nous a influencés.
Comment expliquez-vous le regain d'intérêt pour ces sons aujourd'hui, des sons qui ont précédé le hip hop actuel ?
Oh c'est très naturel, tout ça c'est comme une vague, la musique arrive, elle est à la mode, elle passe de mode, elle disparaît et finit par revenir. Quand nous avons démarré, tous les sons qu'on trouvait excitants n'étaient pas populaires du tout. C'était ringard de dire qu'on aimait les années 80 et la disco, et les gens ne comprenaient pas qu'on recherche à produire un son disco. Alors que maintenant tout ça est devenu hyper branché. Pendant ce temps il y a plein de petits groupes qui écoutent aujourd'hui une musique que personne ne trouve branchée et qui va devenir à la mode dans quelques années. Et le moment où ils deviendront branchés sera celui où nous deviendrons ringards. Et après, 10 ou 15 ans plus tard, je ne sais pas combien de temps ça prendra, mais on pourra ressortir de notre trou et on sera de nouveau super branchés !
Dans votre manière de jouer, vous laissez une grande part à l'expérimentation, est-ce-que vos morceaux naissent toujours de jam sessions?
Au début nous ne fonctionnions presque que comme ça. Nous répétions en nous enregistrant sur un petit magnéto, nous expérimentions beaucoup, mais parfois nous perdions des moments exceptionnels que nous n'arrivions plus à recréer. Aujourd'hui, nous jammons toujours autant, mais connectés à un PC, ça nous permet de ne rien perdre. Par exemple sur l'album, le premier titre commence par un son enregistré en jam-session qu'on a mis en boucle et sur lequel nous avons posé la chanson. Pour Heart of Hearts. c'est pareil, c'est en fait un collage de sons pris en jam-session, dont on entend des extraits au début du morceau. Après on y mélange la chanson pop, on y réinsère la fin de la jam-session, toute la chanson est une boucle en fait. Nous travaillons presque exclusivement comme ça, c'est très important pour nous.
Un jour. vous avez dit que pour vous le processus créatif était une lutte…
Avec une proposition, il est difficile de faire l'unanimité au sein du groupe. Et puis, il y a un combat intérieur. Tout ça est horrible, mais à la fin il en sort une création dont tu es très fier, pour laquelle tu te dis que ça valait le coup !
On ne peut vraiment comprendre les !!! qu'après les avoir vus sur scène, quel est votre sentiment pour votre musique enregistrée par rapport aux lives ?
Je dois reconnaître que nous sommes meilleurs sur scène. Mais si je regarde mes albums préférés, Ciccone Youth de Sonic Youth ou Fun House des Stooges, je suis sûre qu'ils étaient aussi bien meilleurs en concert, ce qui n’empêche pas d’écouter aujourd'hui la version studio avec grand plaisir. J'aimerais juste arriver à faire un album aussi bon.
Vous aimez beaucoup danser. sur scène ou en discothèque. quel genre de danseur êtes-vous ?
Oui. j'adore danser, je prends encore plus de plaisir en discothèque, parce que je ne dois pas tout le temps penser à ma respiration, ou a chanter en même temps. Je sors danser aussi souvent que j'en ai l'occasion, je ne m'en lasse jamais. Si le DJ est bon, je me retrouve au paradis, mais il faut que la musique soit bien forte, j'ai horreur des ambiances feutrées.
Qu'est-ce-qu'un bon DJ selon vous ?
La musique sur laquelle j'aime danser est celle, un peu indéfinissable, sur laquelle en entend des lignes de funk entre rythmes techno ou house. À New York, les meilleurs DJ sont Robin Todd, ou Thomas & Eric. Eux ils jouent une musique dont on ne peut pas dire si c'est du funk ou de la house. c'est un funk bizarre ou une house teintée de soul. À ce propos, entre David Byrne et Brian Eno vous choisissez qui, vous ? [La question ne suggérait aucun choix. Comme Nic, on prend forcément les deux !, ndlr]
Propos recueillis par Emmanuel Abela et Miss Alpha
Dernier album : Myth Takes, Discograph
Dernier single : Yadnus, Discograph