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Il a fait de ses virages à 90° une marque de fabrique. Et pourtant. il y a une continuité dans l’œuvre de Sébastien Tellier. Après le psychologique et le politique. le francilien attaque de front la question du sexuel. Une manière de clore aux côtés de Guy-Manuel de Homem Christo. le producteur et membre de Daft Punk. ce qui constitue un vrai triptyque. |
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Beaucoup affirment que vous avez changé de cap avec Sexuality. Moi. j’y vois au contraire la continuité de vos explorations personnelles.
Pour vous. le fond prime donc sur la forme ?
Le fait de perpétuer l’espèce ? Ce qui est amusant. c’est que dans votre album précédent. vous abordiez la question du politique. Tout est politique. tout est sexuel ? Quand j’ai fait Politics. je pensais que la politique régissait la société mais je suis obligé d’admettre qu’au-delà du psychologique. au-delà du politique. le sexe l’emporte à chaque fois. il est le plus fort. Il contrôle tout. y compris l’argent qui le sert. On se rend bien compte aujourd’hui qu’un type comme Nicolas Sarkozy utilise la politique à des fins sexuelles. Au-delà du propos général sur le sexe. il y a une part d’intimité personnelle qui s’exprime. Oui. bien que le sujet soit universel. j’ai voulu placer des petites choses personnelles. Les chansons révèlent un certain nombre de mes propres fantasmes ou relatent des expériences que j’ai vécu moi-même. mais je n’ai pas voulu aller très loin. Quand un artiste livre trop de choses sur son intimité. ça me dégoûte un peu. Sur le disque. nous sommes plus proches d’une forme d’érotisme que de la pornographie… J’ai voulu apporter quelque chose qui soit l’inverse de ce que nous proposent des gens comme R. Kelly. C’est du R’n’B américain. J’adore les rythmes. la basse. l’utilisation des synthés. c’est même ce que j’écoute le plus souvent chez moi. mais le message qui est diffusé autour du sexe reste mauvais. Ce qui est amusant. c’est que vous avez travaillé avec le bassiste. qui composait des B.O. pour les films de Marc Dorcel. Pour être précis sur le sujet. je ne l’ai pas sollicité directement. Ce qui me réjouissait le plus. c’était de travailler avec Guy-Man. Les choses se sont faites naturellement : il est venu à la maison. a bu du champagne. Au moment où je lui ai fait écouter mes maquettes. on ne s’est pas posé la question de savoir si c’était oui ou non. nous nous sommes donnés rendez-vous au studio. Le premier jour. j’ai découvert son équipe et là. j’ai rencontré Rico qui devait jouer de la basse-synthé sur l’album. J’ai appris à ce moment-là qu’il avait fait toutes les musiques de films de Marc Dorcel dans les années 80. Une vraie coïncidence ! Oh oui. c’était formidable. je tombais par hasard sur un grand spécialiste des musiques de films érotiques et pornographiques. Et au-delà de ça. j’en suis arrivé à la conclusion que c’est bien lui qui a éduqué notre oreille. Il n’a pas copié une manière de faire dans le domaine. il a créé la manière. Sa présence vous a-t-elle conforté ? Oui naturellement. sa présence à la basse-synthé a rajouté une bonne part de sensualité sur le disque. Généralement. les sons qui groovent ou qui tournent nous viennent des Etats-Unis et plus précisément de la musique noire américaine. Là. je voulais quelque chose qui groove. mais à la façon européenne. Même si je ne me pose pas en spécialiste. le porno européen a beaucoup plus de personnalité que le porno américain. et le groove à l’européenne vient sans doute des musiques qu’on peut entendre dans ces films-là. On le sait. le porno américain est complètement aseptisé. Il en va de même pour la musique. avec des petits violons soyeux et des synthés cheap. Rien à voir avec la production musicale pour les films européens que j’apparente volontiers à ce qu’on peut entendre chez Gainsbourg. au cours de la dernière période. C’est ça. notre touch à nous. Vous vouliez écrire des musiques pour des villes nouvelles. à la manière de ce que fait Eric Rohmer au cinéma. Finalement. Eric Rohmer et Marc Dorcel. il y a un lien dans l’approche. non ? Oui. ce sont deux français radicaux. Quand Eric Rohmer filme les villes nouvelles comme Cergy. c’est cru et en même temps. c’est le grand n’importe quoi. c’est concret et c’est complètement absurde. Il obtient quelque chose d’un peu spécial que j’adore ! Moi. mon rêve. ce serait de faire des musiques pour les films de Bertrand Blier. J’aurais rêvé de composer pour Les Valseuses. par exemple. Ça peut encore arriver… Oui. et en même temps. est-ce qu’il penserait à faire appel à quelqu’un comme moi ? Ce serait trop beau… Vous-même. quelles sont les musiques qui vous stimulent sexuellement ? Moi. c’est plutôt Diana Ross. Marvin Gaye ou Curtis Mayfield. des choses comme ça… Récemment. vous avez remercié la société actuelle de nous offrir autant de sexe. N’avez-vous pas le sentiment au contraire que cette surenchère est justement une manière sournoise de nier le sexe ? Ce que je voulais dire. c’est qu’à la place des images de ces femmes à moitié nues sur les affiches ou à la télévision. on aurait pu plus mal tomber. Mais ce que vous dites est très vrai aussi. Nous sommes archi-sollicités. et ça peut provoquer des frustrations chez ceux qui n’ont pas la chance de vivre une sexualité épanouie. C’est bien pour cela que j’ai souhaité réaliser un album assez doux qui soit centré sur le sexe. mais de manière sentimentale. Pour moi. le sexe sert aussi à séduire l’esprit. Propos recueillis par Emmanuel Abela / Photo : L.Brancovitz Dernier album : Sexuality. Record Makers / Discograph En concert au festival Les Nuits Électroniques de l'Ososphère, le vendredi 26 septembre, quartier Laiterie à Strasbourg à 21h30. Site internet : www.osophere.org |