David Eugene Edwards, l'anti-Babel ou l'espoir d'un langage commun

.thumb_eugene.jpg

L’ex-16 Horsepower et actuel leader de Woven Hand, David Eugene Edwards semble inmanquablement connecté à des forces supérieures. La détermination et le calme qu’il affiche au cours de l’entretien le rendent fascinant auprès de son auditoire immédiat. Échange très spontané autour de Jeffrey Lee Pierce, Bertrand Cantat et Brian Eno.


 

Vous avez souvent joué à Strasbourg. avec 16 Horsepower. quel souvenir en gardez-vous ?
Oh excellent. je suis toujours heureux de jouer ici, j’y ai toujours eu de bonnes expériences. C’est un bel endroit et je suis heureux d’y revenir.

 

Je vais vous citer quelques noms d’artistes et  vous pourrez y réagir ou non. selon votre inspiration. Pour commencer je vous laisse le choix entre Jeffrey Lee Pierce du Gun Club et Gordon Gano des Violent Femmes…
Quand j’avais 14 ou 15 ans, Jeffrey Lee Pierce a eu une grande influence sur moi. il était l’un des premiers à avoir ce son rockabilly très roots, j’ai accroché tout de suite et j’ai vraiment été un grand fan du Gun Club. Mais c’est pareil pour Gordon Gano, je suis également fan, c’est vraiment un personnage intéressant.

 

Bertrand Cantat. de Noir Désir…
Nous avons fait une tournée avec Noir Désir, pendant quelques semaines. Nous nous entendions vraiment bien, cette tournée commune reste un très bon souvenir. Puis nous avons enregistré ensemble aux Etats-Unis. à Philadelphie, si ma mémoire est bonne. C’est une personne géniale ! Il est très drôle. plein d’énergie, c’est quelqu’un de bien…

 

The Danielson Family
Je les ai découverts grâce à un ami en Géorgie, et à la première écoute je me suis dit que je n’avais jamais rien entendu de pareil, mais j’ai adoré tout de suite. Leur musique est pleine de joie, elle parle au cœur. Nous avons joué ensemble à Philadelphie, près de là où vit Daniel [Smith. leader du groupe, ndlr], et nous sommes devenus amis dès le premier instant. J’aime leur manière de travailler en famille, avec le label de Daniel et la maison d’édition de son père…

 

Le sentiment religieux a beaucoup d’importance pour eux…
Oui, dans le sens où ils se considèrent justement comme partie d’une grande famille.

 

flux4-david-eugene-edwards.jpg 

 

J’ai lu avec surprise que vous étiez fan de Brian Eno…
Oh oui, j’écoute sa musique très souvent, presque tous les jours. Mon premier coup de coeur était Another Green World, mais j’aime tout son travail, j’adore sa musique d’ambiance, je ne m’en lasse pas. Son dernier album aussi est fantastique. Il sait transformer tout ce qu’il touche. C’est un créateur de sons incroyable.

 

Vos premiers albums étaient très rock. et vous semblez évoluer vers une musique de plus en plus épurée. pouvez-vous expliquer cette démarche ?
Oui c’est vrai, ma musique devient de plus en plus aérienne, une musique d’atmosphère. C’est un élément qui a toujours été sous-jacent mais qui ressort maintenant. J’essaie de produire un son puissant dans la plus grande économie d’effets. De bonnes paroles et un piano suffisent. De toute façon je me situe toujours dans un processus d’expérimentation. Je me projette dans de nouveaux paysages sonores et cette démarche qui tend à l’épure est tout à fait volontaire.

 

Votre son est très européen. est-ce dû au fait que vous écoutez beaucoup de musique classique. notamment du Moyen-Âge ?
Oh oui c’est évident, je me sens autant influencé par la musique européenne que par le folk ou la country music. Mais j’écoute aussi de la musique traditionnelle de Louisiane ou de Scandinavie, on peut établir des parallèles entre des sons traditionnels issus de cultures musicales différentes. J’aime explorer cette diversité, mais j’adore par dessus tout la musique médiévale, tout en simplicité et en beauté. C’est une grande source d’inspiration pour moi.

 

Dans l’une de vos chansons. vous créez un nouveau langage. un mélange de langues indiennes. européennes et de dialecte scandinave. est-ce une volonté de retourner à l’origine de toutes les langues. de délivrer un message universel ?
L’idée que l’humanité ait pu avoir un langage commun et que les différentes populations évoluent pour des raisons inconnues vers des langages différents me semble très intéressante, mais la raison pour laquelle j’ai écrit cette chanson est autre. Je voulais. au moment de l’interpréter, me libérer des images liées au sens des mots, utiliser ma voix au même titre qu’un piano ou qu’une guitare. Ça m’a aidé à créer l’ambiance de la chanson, c’était une expérience intéressante.

 

Comme si l’on revenait aux temps qui ont précédé la construction de la Tour de Babel !
Oui, absolument.

 

Ce nouveau langage est une expérience poétique. est-ce-que la poésie pour vous est un moyen de s’élever spirituellement, de toucher Dieu en quelque sorte ?
Tous les arts ont un aspect spirituel, mais je pense plutôt que c’est de cette manière que Dieu nous touche, bien plus sûrement que le contraire. Avoir reçu la capacité de créer est un don, Dieu lui-même est un créateur, nos sommes ses créations et il nous donne à son tour l’inspiration. Dans ce sens tous les arts, la musique, la littérature et la peinture ont une vocation spirituelle.

 

On lit souvent que votre musique est sombre. c’est un avis que je ne partage pas, j’y vois une forme d’espoir…
Les gens ont généralement une écoute superficielle, ils écoutent la musique, une harmonie en mineur, qui sonne de manière un peu mélancolique. C’est une esthétique musicale qui m’est chère et dans laquelle je me reconnais. Mais les paroles peuvent être très sombres ou très gaies et légères, elles sont le reflet de la vie. Aucune journée n’est remplie que de moments gais ou de moments tristes, on passe constamment d’une émotion à l’autre. Chacune de mes chansons restitue l’un de ces moments.

 

Votre mère a précédemment chanté dans vos chœurs, maintenant c’est votre fils qui vous accompagne à la guitare. la musique se transmet de génération en génération…
Oui je l’espère bien, dès que l’occasion se présente, j’essaie d’impliquer ma famille dans ma création…

 

Propos recueillis par Miss Alpha et Emmanuel Abela à La Laiterie le 14 juin 2007