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En 1972, le monde lui appartient. Quand il se produit sur la scène du Santa Monica Civic Auditorium, le 20 octobre 1972, le prince David Bowie règne sans partage sur la pop. La publication quelques mois auparavant — le 6 juin précisément — de son chef d’œuvre The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars consacre cet artiste qui s’est longtemps cherché une identité. Avec cet album, il feint de nous imposer le mythe de la rock-star ultime, mais c’est une nouvelle fois pour mieux brouiller les pistes. Le public succombe au charme désuet d’un rock outrancier, d’inspiration opportunément glam, mais qui révèle chez Bowie de vrais talents de compositeur pop. Ce faux concept-album est également la première entreprise d’un marketing pop abouti d’un artiste en passe de devenir expert en la matière, il s’accompagne d’un véritable travail sur une imagerie mouvante, dont la constante est une androgynie exacerbée. Contrairement aux Rolling Stones et à tous leurs pastiches early ’70s, David Bowie maîtrise toute l’ambiguïté dont il entoure son nouveau personnage. En cela, il rejoint Marc Bolan qui connaît avec T.Rex un succès retentissant. À la différence, il fait de son image changeante une vraie marque de fabrique qui lui permettra d’imprimer sur la décennie une vision esthétique très singulière. Ce 20 octobre 1972, il a pleinement conscience qu’il peut s’appuyer sur cette nouvelle assurance pour faire tourner un spectacle dont il ressent immédiatement la portée historique. Les chansons sont là, les musiciens aussi, avec le complice Mick Ronson à la guitare, Trevor Bolder à la basse, Mick Woodmansey à la batterie et Mike Garson qui apporte déjà sa touche cabaret au piano. Bowie le sait, il est aux USA, il emporte son personnage sous le bras — « Ziggy goes to America », annonce-t-il en prélude au chef d’œuvre suivant, le troublant Aladdin Sane qu’il est déjà en train d’écrire et dont il livre déjà sur scène The Jean Genie —, mais ne prévoit aucune captation des concerts qu’il y donne. Il s’avère que l’histoire retiendra l’enregistrement de Santa Monica comme l’un des plus célèbres bootlegs pendant plus d’une vingtaine d’années jusqu’à sa première publication de manière quasi-officielle en 1995. De l’avis général, ce live a toujours été supérieur aux autres prises de son de la même tournée, notamment celles qui ont alimenté la BO du film Ziggy Stardust — The Motion Picture en 1983, il reste de loin supérieur aux sorties live qui ont ponctué la décennie, les médiocres David Live (1974) ou Stage (1978). Aujourd’hui, cette nouvelle version dans un coffret cartonné chez Virgin/EMI, rend hommage à ce moment unique dans l’histoire du rock, la rencontre d’une star devenue incontournable, de ses chansons déjà éternelles et d’un public enfin conquis. (E.A.)
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David Bowie, Live Santa Monica ’72
- Catégorie : Musique