Le dernier film de Cédric Klapisch, Ma part du gâteau, donne la parole aux ouvriers. Gilles Lellouche, en trader overbooké, embauche une femme de ménage (Karin Viard), qui va lui apprendre ce qu'elle sait de la vie. Nous avons rencontré le réalisateur et l'acteur dans l'ambiance tamisée de l'hôtel Régent à Strasbourg. Quand l'humour flirte avec la gravité. |
Cédric Klapisch, vous avez réalisé un documentaire sur la danseuse Aurélie Dupont en 2010. Comment avez-vous géré votre retour à la fiction avec Ma part du gâteau ?
Cédric Klapisch : Dans ce dernier long-métrage, il y a beaucoup de mélange de documentaire et de fiction. Les scènes réalisées dans la salle des marchés sont réelles. J’aurai pu trouver 500 figurants qui auraient fait semblant de travailler sur des ordinateurs dans un gigantesque open-space, mais j’ai préféré laisser la salle exister. En réalité, il y a des scènes du film où de vraies transactions s’opèrent ! D’autre part, le fait de disséminer plusieurs caméras dans différents endroits pour tourner une scène est une technique de documentaire que j’ai voulu intégrer dans la fiction.
La présence de Xavier Mathieu, porte-parole des Contis, accentue d’autant plus la notion de réel dans le film. Comment a-t-il vécu ce tournage ?
C.K : Il avait très peur de commencer à jouer, nous l’avons beaucoup rassuré avec Karin Viard. Nous avions fais des essais et nous savions qu’il pouvait interpréter ce rôle. Quand sa conviction le guide, c’est un très bon orateur. En revanche, avec un texte c’est beaucoup plus difficile, il a du beaucoup apprendre. Ce rôle tombait bien, il était licencié, il n’avait pas de travail. Xavier Mathieu est un porte-parole génial au niveau syndical, il a pris ce rôle comme un stage : il apprenait quelque chose de nouveau qui allait pouvoir lui servir ! Lorsqu’il a vu le film, il l’a adoré et a dit « j’aurais été bête de refuser une expérience comme celle-ci ! ».
Gilles Lellouche : Surtout que pour quelqu’un qui n’a jamais joué au cinéma, ce n’est pas évident de se voir une première fois à l’écran !
Les thèmes du film sont aussi réels que graves pourtant vous les abordez d’une manière inédite, par le biais de l’humour.
C.K : Quand je voyais la violence de la réalité, je n’étais pas certain de pouvoir en faire de l’humour, bien que ça soit mon idée première. Lorsque nous sommes arrivés à Dunkerque, les employés de la raffinerie Total étaient en grève. J’ai vu des syndicalistes pleurer, cette situation était très dure. Le fait que je me permette de rire de tels sujets m’a fait peur pourtant je n’avais pas d’autre solution ; je ne voulais pas faire de ce film un tract syndical. L’humour est une façon de ne pas être trop militant.
Tous les deux, vous aviez déjà collaboré sur le tournage de Paris. Gilles Lellouche, vous êtes aussi metteur en scène. Cette relation particulière a-t-elle eu une influence sur le tournage de Ma part du gâteau ?
G.L : Je ne me permettrai jamais de suggérer à Cédric de positionner une caméra ici ou là lors d’une scène. Il connaît son métier et il le fait très bien, il n’a pas besoin de mes conseils !
C.K : Gilles est quelqu’un qui comprend le cinéma. De son expérience de metteur en scène, nous avons pu créer réelle complicité sur le tournage. Lorsque je plaçais une caméra, il savait pourquoi…
Gilles Lellouche, vous incarnez votre second rôle de trader. Vous dites apprécier jouer des rôles à l’opposé de ce que vous êtes dans la vie. Comment expliquez vous cette attirance et n’y a-t-il pas une forme de danger à cela ?
G.L : Le travestissement n’est pas total et définitif. Pour l’instant, je ne me suis jamais transformé physiquement pour un rôle. Sur le tournage, je suis complètement investi dans mon personnage mais lorsque je rentre chez moi, j’en sors intégralement. Certains acteurs disent avoir du mal à sortir de certains rôles, je n’y crois pas une seule seconde. Je pense qu’au contraire c’est une manière de se créer son propre personnage.
Propos recueillis par Pauline Hofmann et Sophie Ruch, à l'hôtel Régent Petite France à l'occasion de l'avant-première de Ma part du gâteau à l'UGC Ciné Cité. Sortie en salle le 16 mars.