Avec un second album et une nouvelle tournée, c’est le temps de la confirmation pour The Dø. À l’occasion de l’exposition que leur consacre Marianne Maric à La Boutique, à Strasbourg, Olivia Merilahti et Dan Levy reviennent sur une méthode qui accorde sa place au visuel. |
Vous avez joué aux États-Unis en septembre, mais aussi au Canada, pouvez-vous nous parler de la réception de votre musique par le public nord-américain ?
Dan Levy : En jouant en Australie ou au Canada, on se rend compte que la France est un tout petit pays [rires]. C’est vrai qu’ici, on a rapidement fait le tour des salles. Un territoire comme les États-Unis nous offre un véritable champ d’action. À l’étranger, le public nous a réservé d’excellentes surprises, à New York par exemple, ou encore à Los Angeles où les salles étaient combles.
Vous venez de publier votre nouvel EPK, Dust It Off, qui annonce un nouvel album. Cette publication provoque-t-elle un sentiment d’appréhension pour vous ?
D.L. : D’une manière générale, on se lance dans le vide même si nous avions publié un premier morceau sur facebook. Nous sommes en pleine période de répétitions avec beaucoup de changements ; désormais nous serons six à jouer sur scène, ce qui nous permet de prendre le contre-pied de notre première tournée. Nous pouvons aujourd’hui nous permettre d’être plus proches de notre album, de son esprit.
Votre second album sort en mars. Il confirme votre éclectisme…
Olivia Merilahti : Nous apprécions les grands écarts, tout en essayant d’être justes dans la représentation de ce que nous sommes. C’est un moyen de ne pas être catalogués : le public va découvrir de nouveaux arrangements et des couleurs sonores plus riches.
Les nouveaux titres que vous proposez semblent être dans la continuité de ce que vous avez fait jusqu’à présent, on ne ressent pas de rupture ou de virage radical mais toujours cet esprit pop, avant-gardiste, voire ethnique ou tribal.
D.L. : À l’affût des commentaires du public, nous avons pu lire tout et son contraire. Les avis sont partagés, certains parlent de « rupture totale », d’autres retrouvent bien notre esprit. Nous n’avions pas la volonté d’être exhaustifs dans les genres, on tient à garder une certaine liberté.
O.M. : C’est une manière de laisser beaucoup de place aux surprises.
Avez-vous découvert de nouvelles méthodes de composition ?
D.L. : À l’époque de A Mouthful, tout était très nouveau pour nous, nous avons enchainé les musiques de films, de spectacles de danse contemporaine, de théâtre. Pour le nouvel album, tout est allé beaucoup plus vite, nous savions vers quoi nous voulions nous diriger. Nous travaillons ensemble de la même manière, nous avons réalisé l’album de A à Z avec une plus grande expérience.
O.M. : … d’autant plus que nous avons pu, cette fois-ci, nous concentrer sur la réalisation de l’album sans nous laisser distraire par d’autres projets.
Des morceaux ont-ils été écrits durant votre tournée en gardant ce principe d’instants récréatifs qui avaient conduit à l’écriture deA Mouthful ?
D.L. : Olivia a la capacité de prendre une guitare backstage pour composer une chanson, à l’écart du groupe. Personnellement, j’ai besoin de plus de matière sonore et de réflexion.
O.M. : De cette manière, il y a beaucoup d’allers et retours entre nous. L’acte créateur est très organique, nous évitons les recettes formatées.
Le succès du premier album a créé une attente particulière du public. Était-ce inhibant ou au contraire libérateur en terme de créativité ?
O.M. : Nous pensons d’abord à nous, à notre satisfaction personnelle, en espérant que cela plaise au public. L’inhibition et la libération se succèdent, c’est une émotion étrange. L’amour que l’on place dans la musique ne change pas.
D.L. : S’il existe une résistance, elle est autour de nous. La liberté, nous la prenons dès que nous créons, nous restons un groupe indépendant. Personne n’avait misé sur nous au tout début, pourtant le groupe a connu un réel succès fondé sur cette liberté. C’est sans compromis que nous avons appréhendé le deuxième album dont nous sommes toujours les producteurs.
Le fait de tout gérer au niveau de la production jusqu’au mixage de l’album, est-ce un choix personnel ou est-ce par défaut, parce que vous ne trouvez pas de producteur ?
D.L. : C’est avant tout une façon d’être libre. Si sur le deuxième album on critique notre façon d’enregistrer, de mixer, nous trouverons une autre solution mais la question n’a pas encore été soulevée. Au contraire, les gens sont curieux de savoir comment se déroulent nos enregistrements dans des studios qui n’en sont pas vraiment. C’est une histoire de passion et d’envie, on est un peu des « control freaks ».
Votre musique semble très visuelle. On suppose que le cinéma et les arts plastiques alimentent fortement vos compositions ?
O.M. : Oui, intensément. Certaines choses que l’on a vues nous restent en tête, un sentiment, une émotion. Nous nous sommes sentis très proches de l’esprit poétique, presque violent, tout en restant réaliste, du film Onibaba [film réalisé par Shindo Kaneto en 1964, ndlr], qui a inspiré le clip de Slippery Slope par exemple.
Concernant la danse dont vous êtes proches, vous avez également collaboré avec le danseur et chorégraphe Vin Vandekeybus, pouvez-vous nous parler de cette rencontre ?
O.M. : Nous affectionnons particulièrement l’univers de la danse. Nous étions allés voir l’une de ses pièces à Châtelet, et nous avons eu l’occasion de le rencontrer lors d’une interview croisée à Bruxelles. Comme nous trouvions ses vidéos de danse très réussies, nous l’avons sollicité. Il n’avait jamais réalisé de clip, c’était donc un réel défi !
Marianne Maric a réalisé la photo de votre nouvel album, pouvez-vous nous parler de sa rencontre ?
D.L. : La rencontre avec Marianne Maric s’est faite à la suite d’une photo prise backstage lors de l’un de nos concerts, à La Poudrière, à Belfort. Nous avions adoré cette esthétique très spontanée. Par la suite nous avons gardé contact. Elle fait partie des artistes qu’on adore et qu’on défend. J’espère que nous aurons d’autres occasions de collaborer avec elle, c’est quelqu’un de très talentueux.
Ces photos pour votre nouvel album ont été réalisées en Finlande, était-ce une volonté de retour aux sources ?
O.M. : Avec Marianne, nous sommes d’abord parties dans la nature près de Paris, nous avons fait des photos ensemble toute une journée, puis nous avons eu envie de réitérer cette expérience qui m’avait beaucoup plu. Nous désirions créer un univers qui puisse répondre aux photos du premier album. Ensuite, elle a accepté de nous suivre dans un endroit aussi isolé que la Finlande, sans connaître les lieux. Peu de photographes auraient accepté ce défi ! Ces instants étaient vraiment intimes dans un lieu isolé, familial, où je me rends chaque année pour me ressourcer. Un endroit secret, propice à une forme de magie.
Interview paru dans Novo #12
Marianne Maric, exposition The Dø du 20 janvier au 17 février, à La Boutique, à Strasbourg
Renseignements au 09 52 17 45 23