Tulpan, de Sergey Dvortsevoy

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De retour de l'armée russe où il officiait comme sous-marinier, le tendre Asa retrouve l'affection de sa soeur et son beau-frère qui l'accueillent dans la yourte familiale. Le berger poète de retour dans la steppe kazakhe se voit promettre un troupeau s'il prend épouse. Or il n'est qu'une jeune fille à 500 km à la ronde, la belle Tulpan (la Tulipe), et Tulpan, elle, rêve d'aller au collège et invoque le pretexte que son prétendant a de trop grandes oreilles... Après une première scène kusturicienne où la famille de l'amoureux palabre avec les parents d'une Tulpan incrédule et cachée derrière une épaisse tenture, le film bascule dans une dimension poétique absolue. La steppe, à la fois espace physique, métaphorique, abstrait, y occupe le premier plan et c'est sa beauté âpre qui est la véritable star du film. La mystérieuse Tulpan y fait office de mirage, on n'en verra pas plus qu'un petit bout d'oeil ou de tresse brune, et l'on ne saura d'elle que ses ambitions de quitter la vie nomade pour étudier. Une vie nomade sublimée par le réalisateur, dans toute sa rudesse : conditions climatiques extrêmes, nourriture rare, mais aussi toute sa tendresse : les scènes familiales dans la yourte sont d'une douceur extrême, et plongent le spectateur dans l'harmonie de la petite famille nomade, quelque part dans le désert entre Orient et Occident.
La désolation des personnages se fond avec celle de la nature, qui,  trop pauvre pour nourrir les bêtes, compromet l'avenir du troupeau, de la même manière que les refus obstinés de Tulpan compromettent la famille d'Asa. Le coeur et la raison, des sujets décidément aussi compliqués pour les bergers kazakhes soumis au destin que pour les spectateurs occidentaux de l'intrigue...En quelques touches toujours d'une grande pudeur, Sergey Dvortsevoy évoque un monde qui change, les aspirations des héros à une vie meilleure, aux études, à un exil citadin, désirs qu'ils ont du mal à concilier avec un mode de vie traditionnel qu'il leur est impossible de renier, le manque de femmes dans certaines régions du monde, l'amour familial salvateur et enfin l'espoir, symbolisé par l'émouvante naissance d'un agneau. Une très belle découverte cinématographique, véritable bouffée de poésie qu'il serait bien dommage de manquer.
(M.A)
Un film de de Sergey Dvortsevoy avec Askhat Kuchinchirekov, Samal Eslyamova, Ondasyn Besikbasov – ARP Sélection

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