Le strasbourgeois Mathieu Wernert tend à une forme de minimalisme. Une nouvelle manière pour lui d’interroger le cadre et de charger sa peinture d’affects. Rencontre avec l’artiste dans son atelier, autour de quelques œuvres. |
Mathieu Wernert exprime un désir de peinture, et ses tentatives dans les domaines de la sculpture et de la photo, ne l’empêchent pas de revenir à ce désir premier. « Je reviens toujours à la couleur et à la toile, j’ai besoin de cela », nous confirme-t-il. On a beau établir des échelles de valeur entre les différentes disciplines, la peinture reste vivante pour lui. Elle impose un cadre qu’il est possible d’éprouver. « Je ne me sens pas à l’étroit dans la peinture. J’essaie de faire évoluer ce cadre, tout en y restant ; j’essaie de l’agrandir ». Un cheminement paradoxal qui lui permet de tendre à des formes totales, comme dans ses combustions récentes. « Oui, les combustions me permettent d’aller physiquement beaucoup plus loin. D’aller au-delà. » Il s’inspire en cela des jazzmen Charles Mingus, John Coltrane, Sun Ra et Miles Davis — « Excellent peintre, par ailleurs ! » —, autant de musiciens qui ont cherché à repousser les limites.
Sa pratique picturale est multiple, il y a un travail de figuration autour des portraits, des paysages ruraux, des paysages urbains et des œuvres abstraites, une manière d’embrasser toutes les possibilités qui s’offrent à lui. « Je fais du figuratif sans en faire, je laisse de l’espace aux gens. Ils viennent avec leur propre parcours et face à mes toiles, ils peuvent s’imaginer autre chose. » Alors que d’autres peintres fonctionnent pas couches successives jusqu’à la saturation, lui au contraire racle la toile jusqu’à la mettre à nue. « J’attends un déclic ; celui-ci va naître d’un détail, d’une coulure, ou pas. Le but est d’aller à l’essentiel, tout de suite. » Chez Mathieu, l’acte pictural peut revêtir une forme de violence contenue, il en reste des traces diffuses sur certaines de ses toiles. |
« Ce sont des scènes de combat, des paysages de guerre. J’essaie de les faire les plus beaux possibles, comme ces images qu’on diffuse à la télévision, mais ça reste des paysages malades. De même pour mes figures, elles sont malades. Notre système est malade, j’essaie de faire ressentir cela aux gens. »
Propos recueillis par Emmanuel Abela / Photo : Christophe Urbain
Interview publiée dans Novo #1