AaRON, sous influence visuelle

AARON

Depuis l’incontournable U-turn, AaRON continue paisiblement sa route sur le chemin du succès. Sans tomber dans le travers des excès de vitesse, Simon Buret et Olivier Coursier ont sorti leur deuxième album en octobre 2010 et demeure un duo délicat et passionné.


Votre second album marque un virage avec de nouvelles approches musicales ; des claviers, de la guitare… Avez-vous ressenti le besoin de dénoter une rupture par rapport à votre premier album ?

Étrangement, nous ne souhaitions pas créer de rupture. Nous sommes restés dans cette même idée de travailler en studio tous les deux, Olivier et moi. Cette situation nous met devant une nouvelle page blanche de création et on se laisse porter par nos instincts : il n’y avait pas de cahier des charges. Le texte et la musique devaient raconter la même chose, être fusionnels. À partir de là, nous étions libres d’aller dans tous les sens. Nous n’avions qu’une envie, celle d’être fidèles à ce que nous avions en tête pour le retranscrire dans notre nouvel album.

Le duo que vous formez avec Olivier semble résulter d’une émotion forte, on a le sentiment que votre relation est fusionnelle. Était-ce si aisé pour vous de vous retrouver après deux ans et demi de tournée ?

Notre relation n’est pas fusionnelle ! Toutefois, nous ne nous étions jamais perdus de vue. C’était très agréable de se retrouver en studio juste tous les deux avec nos micros et tout le petit attirail que nous nous étions créé.

À l’écoute de votre nouvel album, transparait une intimité supplémentaire. S’il y avait une forte émotion dans le premier album, elle est distillée d’une autre manière dans le second. Maîtrisez-vous davantage ces émotions ?

Suite à la tournée, j’ai gagné en conscience et en confiance. J’apprivoise mieux le fait d’être chanteur. Je me suis permis, sous l’œil bienveillant d’Olivier, d’essayer plus de choses avec ma voix. Même si on tente toujours d’être un vecteur de texte en restant fidèle aux mots, j’ai voulu utiliser ma voix comme un instrument sur ce deuxième album. En cela, il y a peut-être une précision dans l’intimité.

On ressent une forme de noirceur accentuée, un relief. La culture post-punk, ou même coldwave, vous influence-t-elle ?

Nous n’avons pas tant d’influence musicale que ça, on se parle davantage en terme d’images quand on fait de la musique. Nous sommes toujours dans la même idée, à savoir quel instrument peut transmettre telle ou telle sensation. Mon influence majeure est tout ce qui imprime ma rétine au quotidien ; les couleurs, les gens, les choses, les films, les livres… Jamais nous ne nous sommes dit qu’il fallait s’inscrire dans un mouvement particulier.

Même si ce n’est pas de l’ordre de l’influence, on sent une approche voisine de celle de Radiohead, par exemple. Cette manière très colorée, très visuelle d’aborder la musique. Quelles seraient les images qui pourraient avoir un impact sur votre musique ?

Au moment de la création de l’album, j’ai vu Max Et Les Maximonstres de Spike Jonze et ce film m’a complètement bouleversé ! Ce sont des émotions comme celles là qui m’ont données envie de faire de la musique. Je suis aussi un fan de Jean-Michel Basquiat. Dans mes inspirations, les réalisations de ces artistes sont mêlées à une tempête de neige à New-York où je suis coincé chez moi, par exemple. Le refrain de Rise a été inspiré d’un spectacle de vagues agitées en Sicile. Ce sont des instants de ce type que l’on retranscrit par le biais d’instruments et de mots.

Votre premier album a eu un succès considérable, 300 000 exemplaires. Est-ce que cela favorise votre liberté créatrice, ou au contraire est-ce inhibant ?

Ni l’un, ni l’autre. Olivier et moi avons la chance d’avoir une certaine inconscience des choses, nous vivons le moment présent. Bien que nous soyons très contents du succès, ce qui nous intéresse surtout, c’est de créer des choses. D’une manière, cette approche du succès nous permet de nous protéger. Lorsqu’on est vraiment créatif, ce qui nous obsède c’est la musique, ma ligne de voix sur un certain refrain, par exemple. D’autre part, j’adore la ferveur du public, cette notion de partage. Lors d’un concert, j’ai besoin qu’il se passe quelque chose, une réaction du public, presque comme une expérience chamanique ! Avant de faire de la scène, je ne me rendais pas compte à quel point les spectateurs pouvaient donner une si forte énergie à un artiste.

Vous avez vécu avec une set-list pendant plusieurs mois et vous arrivez aujourd’hui sur scène avec de nouvelles choses. Comment vos nouvelles chansons sont-elles reçues par le public ?

C’est assez libérateur de pouvoir piocher des chansons à droite, à gauche. Nous sommes au tout début de la tournée qui durera toute l’année prochaine, nous avons une set-list que l’on peut modifier, j’adore cette idée de changement.

En ayant un tel succès, vous avez accédé à une forme de liberté créatrice. Pour la suite, quel serait votre fantasme musical ?

Le plus intéressant serait pour nous de continuer à être inspiré. Lorsque nous terminons un morceau, me vient toujours la peur de ne pas réussir à en écrire un autre. J’estime avoir beaucoup de chance en tant qu’homme de vivre cette expérience, et en tant qu’artiste d’être accompagné d’un groupe comme le nôtre. Si nous sommes un duo, nous sommes cinq sur scène : c’est très important pour moi de ne pas négliger les gens qui nous accompagnent, nos musiciens par exemple. Être un groupe, ne pas être seul par rapport à ses peurs, ses émotions, ses plaisirs désamorce beaucoup de choses. Je me sens de plus en plus épanoui dans notre musique !



Par Emmanuel Abela / Photo : Arno Paul



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