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La BD a toujours cherché à s’émanciper de la littérature et du cinéma afin de créer ses propres codes narratifs, mais quand on soumet à un dessinateur le texte d’un auteur de roman dont il est un grand admirateur, celui-ci ne se fait jamais prier pour relever le défi ô combien périlleux de l’adaptation. Dans le cas de Mise en Bouche, Jean-Philippe Peyraud est tombé amoureux du texte de Philippe Djian qu’il a lu dans un supplément des Inrockuptibles. La rencontre a eu lieu, et la complicité des deux hommes a conduit à un joli travail commun de relecture du texte, lequel est naturellement facilité quand l’auteur se propose lui-même d’affiner les dialogues. L’histoire est construite autour d’une prise d’otages dans une école ; un père célibataire se retrouve enfermé avec la jolie institutrice qu’il accompagne tous les matins à l’école avec sa petite fille, Lily. Il est attiré, mais le moment n’est pas propice aux sentiments, même si l’intimité entre les deux personnages s’installe progressivement. Peyraud échafaude autour de ce récit une subtile construction graphique qui insiste sur les situations de claustration, d’attirance et de répulsion, soulignant ainsi l’efficacité narrative de Djian. Il révèle également la capacité pour des personnes en situation exceptionnelle de transcender leur vie ordinaire. Avec la publication parallèle du texte original chez Folio, le lecteur a le loisir pour la première fois d’effectuer des allers-retours entre le roman court et la BD qui a été réalisée, ce qui favorise de nouveaux niveaux de lecture et une meilleure compréhension de la relation complexe entre les mots et les images. Par ailleurs, il est dit que Djian aimerait profiter de l’occasion pour écrire pour la BD, notamment pour Peyraud, un peu comme il l’a fait pour la chanson avec Stefan Eicher. Rendez-vous est déjà pris… (E.A.)
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